Jadis propriétaires de vastes terres, ils sont progressivement expropriés et discriminés par les villageois à la quête de nouvelles terres arables.
15 heures ce 30 décembre. Nkoumdoum, , une localité située à une cinquantaine de kilomètres de Foumban, département du Noun, à l’ouest du Cameroun. La population, constituée de personnes âgées, jeunes, des deux sexes, prend progressivement place autour du chef du 3èmedegré Nji Njimofokue
L’assistance est constitué à la fois de la population Mbororo et Bamoun. Pour la circonstance, ils sont une cinquantaine. Nous serons informés plus tard que ce groupe est le fruit d’un casting réalisé à la veille par l’équipe de production. Ils sont notables, doyens d’âge et autres gardiens des rites culturels du groupement.
Autour du chef, Josué Yaneya, journaliste à la radio communautaire du Noun, et producteur de l’émission « SAMARI » ouvre les débats et plante le décor. « Au cours de l’émission de ce jour, nous allons évoquer les différends fonciers entre les Mbororo et les Bamoun.
A la suite de cette annonce, les différents protagonistes prennent la parole et déclinent leur identité. Ils sont chefs de clans, éleveurs, agriculteurs, et ont tous la particularité d’être installés dans la localité depuis au moins 30 ans.
Mohamed est Ardo (chef traditionnelle de la communauté bororo), « Nous sommes installés depuis 4 générations, le chef avait donné à mon grand-père, un grand espace pour nous installer et faire paitre nos bœufs et moutons. Depuis des années, nous n’avons jamais eu de problèmes. Mais il y a quelques semaines, un groupe de jeunes est venu s’installer sur notre espace et à commencer à y cultiver », fait-il savoir.
En guise de réplique, Mouliom Hassan, l’un des mis en cause, souligne que « la communauté Mbororo n’est pas propriétaire de terre,et doit se limiter à l’élevage ». Comme solution, le chef traditionnel va inviter les deux parties à dialoguer. A son tour, Josué Yanéya journaliste, va inviter les deux parties à imiter l’exemple de la chefferie de Njimom, situé à une cinquantaine de kilomètres.
« Pour tout litige foncier, entre les deux communautés, le chef a mis sur pied un comité de résolution de conflits qui comprend deux représentants de chaque communauté à savoir Mbororo et Bamoun. A l’issue des descentes sur le terrain, une amende est imposée aux fautifs » fait savoir, Ibrahim Kone, notable à la cour de Njimom. « Le taux de résolution pacifique des conflits fonciers par la commission est au moins de 90%, soutient quant à elle, Passa Mariatou, une habitante de Njimom.’’
Pour Mbouombouo Aliou, ex maire de la commune de Malentouen,les litiges fonciers entre Mbororo et Bamoun se multiplient pour deux raisons principales à savoir, le boom démographique et l’intérêt croissant des populations pour l’agriculture.
« Les Mbororo ont bénéficié des espaces, il ya plusieurs années, dans des zones qui étaient parfois reculées, mais ils ne les ont pas mis en valeur. Ces vastes espaces réputés pour leur fertilité sont aujourd’hui la cible de villageois en quête de nouvelles terres arables’’ fait-il savoir.
Pour Valérie Chouket, sociologue, « la question des Mbororo des hautes terres de l’Ouest expose au grand jour la crise du nomadisme pastoral et la tentative de sédentarisation des Mbororo en quête d’espace vital. Le Mbororo ne s’était jamais préoccupé de l’accès à la terre, mais plutôt des herbes et de l’eau, tant que le bétail se portait bien. Son patrimoine était moins foncier que pastoral. Mais aujourd’hui, avec l’explosion démographique et la saturation foncière, il s’est trouvé obligé de se sédentariser ».
Loin d’être une particularité, l’accès à la terre des communautés Mbororo touche d’autres localités camerounaises. Dans le trihebdomadaire régional l’œil du Sahel, on relève que« Les 14, 18, et 24 avril 2019, l’arrondissement de Bankim dans l’Adamaoua a été le théâtre des conflits entre bergers et agriculteurs avec au centre des conflits, le foncier.
Pour Josué Yanéya, journaliste environnementaliste à la radio communautaire du Noun, « il ne faut pas passer sous silence ces conflits qui se multiplient, il faut agir »
Afin de passer de la parole à l’acte, le journaliste entend lancer en 2020, une série d’émissions radiophoniques de sensibilisations des Mbororo sur l’importance de mettre en valeur les terres reçues il y’a quelques années.
« Je souhaite initier les éleveursMbororo à la culture du bracharias, cela va leur permettre d’avoir régulièrement le pâturage, mais aussi, mettre en valeur leurs terres, et ainsi anticiper sur toute tentative d’expropriation ».
Alain Georges Lietbouo